Je découvre un truc, en fait je n’arrête de découvrir un truc : si on n’est pas sûr de soi et de sa valeur, si on n’est pas un brin arrogant, alors dans ce business qu’est l’art, on se fait marcher dessus. L’humilité ou le manque de confiance, c’est juste vu comme une faiblesse dans laquelle on peut s’engouffrer. Je lis parfois des textes sur des artistes et on les critique en disant « Ils sont devenus arrogants et durs ». Mais ouais en fait, car plus ils viennent de bas et plus ils ont du se battre et montrer les dents, sinon ils auraient abandonné, sinon ils seraient morts. Il y a une arrogance et une dureté qui est juste de la colère et d’anciennes souffrances. Derrière l’arrogance, il y a parfois bcp de douceur blessée qui est cachée. Derrière l’arrogance, il y a un désespoir et une rage complexe. Je ne dis pas que c’est une règle hein, moi j’y arrive pas, mais peut être qu’un jour si et j’aimerais qu’on devine les blessures derrière. Des événements récents me dépriment. Et oh bon dieu, je ne travaillerai plus que par un agent maintenant. Il n’y a pas d’exception culturelle, l’art : c’est racisme, sexisme, validisme, classisme, arrangements, réseaux, amitiés intéressées, partout, valorisation des privilèges et de la force, du groupe et de l’origine. Le problème c’est le monde de l’art. Ce sont des gens de putain de bonne compagnie, avec leur mépris, leur sarcasme et leur complicité avec toute cette merde. Alors la colère je comprends, le coeur qui devient dur pour ne pas mourir je comprends. Ou alors on ferme sa gueule, parce que nous n’avons pas le pouvoir, nous bougeons les choses, nous arrachons, mais notre précarité et notre fragilité nous forcent à fermer notre gueule et à bien la fermer. Caute ou mthfckr. Parler c’est prendre des coups, c’est voir les portes se fermer. Se protéger c’est une éthique aussi. C’est une beauté. Je voulais dire ça. Se taire, c’est du courage, de la douceur à l’égard de soi-même, c’est un art martial même. Moi je suis là, j’en suis là.