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heureusement les gens ne meurent pas tout le temps

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Je poursuis l’écriture du livre sur mon père, et la confrontation avec les hôpitaux, et les médecins, arrive, j’espère que ça va réveiller ma colère, parce que ces jours-ci c’est la tristesse qui l’emporte, ça me met en petits morceaux, et avec ce froid ce n’est pas terrible, c’est une conspiration, sentiment d’une double lutte, peut-être que la lutte pour ce livre et contre le froid, c’est une sorte de lutte pour l’arrivée du printemps, de toutes sortes de printemps. On verra. D’autres fantômes reviennent, et ça réveille ma tristesse, ou disons que ça en fait un sentiment lattent, dur mais aussi agréable, car cette tristesse est aussi la preuve de la présence, et de l’importance, des fantômes. Ils sont là, ils ont été vivants, pleurons et réjouissons-nous. J’ai pensé à Edgardo Vega Yunqué, un écrivain d’origine portoricaine dont j’ai appris la mort il y a quelques semaines (il est mort en 2008). C’est Elizabeth Guyon qui m’en avait parlé, qui m’avait conseillé de le voir pendant mon séjour à New York il y a six ans. J’avais déjeuné avec lui, avec mon amie de l’époque, je me souviens c’était à Union Square, dans un restaurant sans spécialités, on pouvait y manger du chili, des steaks, des lasagnes. Je ne me souviens pas ce qu’on avait pris. Mais je me souviens que nous avions passé un bon moment, à parler travail, Paris, New York, influences, marche, bouffe, comment on s’en sortait. La mémoire est étrange je ne me souviens plus s’il nous avait parlé de Tim Vega, son fils (demi-frère de Suzanne V.), ou bien si c’est Elizabeth qui m’avait raconté cette histoire. Tim, artiste graphique, avait échappé aux attentats du 11 septembre parce qu’il était malade ce jour-là. Mais ses amis étaient morts, et depuis il ne vivait plus, il culpabilisait, il s’en voulait, c’était insupportable, et une nuit d’avril 2002, il est mort  lui aussi, dans son sommeil. C’est Elizabeth qui m’a dit que Edgardo était mort, après un chute, un séjour à l’hôpital. Cela m’a fait pensé aux dernières semaines de mon père. Nous sommes trop fragiles, notre chair manque de silex, notre peau de béton, nous manquons de fer et de blindage, nous sommes vraiment mal foutus. C’est une époque où les fantômes se manifestent, et ce n’est pas désagréable, c’est une présence qui me rend un peu absent aussi. Vivre avec les fantômes cela s’apprend, et je ne suis encore qu’un débutant. Élizabeth a failli mourir il y a quelques années, elle va bien aujourd’hui, de mieux en mieux, et c’est une bonne nouvelle, les gens ne meurent pas tout le temps. Edgardo m’avait offert son livre, je ne l’avais pas terminé (énorme et avec des idiomatiques porto-ricains), mais j’avais aimé ce que j’avais lu, et compris. Il avait un beau titre : No Matter How Much You Promise to Cook or Pay the Rent You Blew It Cause Bill Bailey Ain’t Never Coming Home Again. Une pensée pour Edgardo.

Je lis un manuscrit inédit d’un ami écrivain (C. C.), et c’est très bien, c’est un plaisir, un bonheur constant d’être entouré par des gens que j’admire. Jours d’écriture et de lecture (un nouveau Billeter est sorti, j’ai commencé le Rayon de la Mort, de Daniel Clowes, la bd Walking dead, le beau livre sur Gary, les poèmes de Jaccottet offerts par Karim : Paysages avec figures absentes). Quelques séries, In treatment, Freaks & Geeks (que j’adore, mais ça me rappelle à quel point j’ai détesté l’adolescence -j’étais un geek). Et j’ai beaucoup « rien fait », à vrai dire, mais pas de la manière la plus douce et la plus calme qui soit, parce qu’une certaine personne me manque.

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