Un libraire grec m’apprend qu’un de mes éditeurs vient de faire faillite. C’était une maison d’édition importante, pourtant. Parmi d’autres secteurs, la culture en Grèce est de plus en plus mal en point. Je veux dire vraiment, pas comme en France. Il n’y a plus d’argent pour ça (mais rassurons-nous, il y a encore des gens riches en Grèce). Comme dit Dimitri : « ce qui se passe en Grèce risque de vous arriver d’ici peu ». Et qui se bat contre ça ? Le silence et le déni sont du plus grand chic semble-t-il. Heureusement on en parle entre amis, comme autour d’un feu, on se dit que ça ne peut plus continuer, la xénophobie d’État, les discours sécuritaires (chez les socialistes aussi), l’injuste répartition des richesses, les bêtises que raconte les médias. Dimitri n’est plus libraire au fait, sa librairie a fermé. Le gouvernement français vient d’annoncer un plan d’économie sur la santé. Encore plus de pauvres, encore plus de malades, c’est un beau projet de civilisation. On fini par souhaiter que la situation empire pour un maximum de gens pour qu’enfin ils se réveillent. En même temps, je dois dire bravo, c’est bien joué les gars. Comme dit Warren Buffet : « There’s class warfare, all right, but it’s my class, the rich class, that’s making war, and we’re winning. » Oui vous êtes en train de gagner la guerre des classes, on doit vous reconnaître ça : vous êtes doués. Et le reste de la population est surtout doué d’une incroyable masochisme. Mais bon ne désespérons pas. Nous n’avons pas pas dit notre dernier mot. En espérant que ce n’est pas la pulsion de mort (un peu notre marque de fabrique, à nous les humains) qui va l’emporter. En tout cas rien n’entamera ma joie, j’ai décidé d’être joyeux, parce que les affects négatifs, non, c’est un piège. C’est la joie qui nous permet d’avancer. Spinoza sera le philosophe des soulèvements démocratiques (je m’arrache les cheveux sur L’éthique, que je persiste à lire comme un livre écrit par une star du rock ‘n’ roll -ce que Baruch est, j’en suis persuadé).
Je lis pas mal d’essais en ce moment, The spooky art de Norman Mailer (à lire en particulier « Attacks on reality »), The utility of force de Ruppert Smith (oui c’est bizarre, en tout cas passionnant), Maps & legends de Michael Chabon (une défense de l’entertainment en littérature. Première phrase : « Entertainment has a bad name ») et The cocaïne machine (how cocaïne took over the world) de Tom Feiling (et toujours L’image survivante de Georges Didi-Huberman). Impression de vivre dans un banquet permanent. C’est surtout un désordre gigantesque dans mes lectures, ne parlons même pas de mon appart.
Frénésie d’achats d’essais. Sur ma table de nuit, attendent : Manhood de Michael Chabon, The disapointment artist (déjà commencé) de Jonathan Lethem, Tricksters makes this world (mischief, myth, and art) de Lewis Hyde, Elements of style de William Strunck, les deux volumes d’essais d’Orwell All art is Propaganda et Facing unpleasent facts, Orthodoxy de Chesterton (avec ce super chapitre : The ethics of elfland), Moving to higher ground de Wynton Marsalis. Au rayon romans : je termine Le don d’Adèle de Alice de Poncheville et je commence Youth in revolt, le roman pour ados qui a donné le film (Be bad, en français/anglais). Constatation les livres américains sont bien plus beau que les livres français (excepté Youth in revolt et le Ruppert Smith). J’imagine qu’il y a un goût pour le commerce du côté américain, et du côté français, un mépris janséniste pour la séduction et le plaisir.
Tout ça me donne envie d’écrire des essais. J’ai quelques idées en tête, j’en ai commencé un, on verra où ça me mène. J’ai l’impression qu’il y a peu d’essais écrits par des écrivains en France, en tout cas récemment, des essais excitants et intelligents. Je vais proposer mon idée à un éditeur. Mais à qui ? Et après il faudra l’écrire, cet essai, et être à la hauteur de ce que j’ai en tête.
J’ai aussi envie de lire James Baldwin et Notre héros défiguré de Yi Munyol (Thierry Illouz avait écrit un très beau texte sur ce livre coréen dans Collection irraisonnée de préfaces à des livres fétiches -par ailleurs T. I. écrit des chroniques dans Politis et personne n’en écrit de si belles, et le 20 octobre au théâtre du rond-point il va donner Fictions de monstres).
Un des moments les plus heureux, que je préfère, c’est quand je vais me glisser dans mon lit pour retrouver mes livres. Et au bout d’un moment sentir le sommeil qui me ferme les yeux. Je résiste, je résiste, et je m’aperçois que je me suis endormi une seconde. Il est temps d’éteindre.
Journée junk food, ça me prend de temps en temps. La junk food c’est un peu le film porno de l’estomac. Infusion de gingembre frais pour rétablir l’équilibre.
La postface à Le disparition de Paris et sa renaissance en Afrique est terminée (presque). Points m’a envoyé le couverture et (surprise) elle est belle. Bon il y a avait des problèmes avec la quatrième (pas la bonne histoire résumée ce qui est gênant quand même), mais comme je suis devenu un control freak dans le travail (pas le choix) tout a été rectifié.
Rayon fripes je n’aurai que deux mots : manteau/veste d’hiver en tweed et cravate (pas slim mais pas grosse non plus, et pas trop chic, genre décontractée).
Femmes autobiographiques : j’ai vu A complete histoiry of my sexual failures. Documentaire très triste, et drôle parfois (heureusement il rencontre l’amour à la fin 🙂 ). Comparé à ce garçon, on réévalue sa propre histoire amoureuse, ok ça n’est pas une si grande catastrophe (même si j’ai déjà été quitté cinq fois par la même fille, c’est un peu mon exploit bizarro, j’espère ne pas réitérer c’est pourquoi j’ai mis au point une batterie de tests pour évaluer la stabilité des filles, ces êtres mystérieux et solitaires, qui passent leur temps dans les bars à boire de la vodka en regardant des combats de free fight). Et on m’a dit le plus grand bien de Submarino (mais pas sûr qu’il soit encore à l’affiche quand je rentrerai à Paris fin septembre).
Découverte de Sons of anarchy, une série sur une bande de motards. J’ai mis du temps à y venir parce que les motards… bof. En fait c’est très bien. Et on y cite Emma Goldman ! (dont l’autobiographie n’est plus disponible en français -voilà au moins un des apports que va permettre le numérique : plus de livres épuisés, tant mieux… enfin tant qu’il y a de l’électricité).
Sinon voilà ce sont mes deux dernières semaines dans cette belle résidence d’artistes.
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