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Les échanges, l’invocation de la loi, un scandale entre amis

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Thierry Hesse vient de me conseiller La mort d’ivan Illitch de Tolstoï. Je n’ai lu que Anna Karanénine (et je n’ai pas terminé) de cet auteur, et si j’ai aimé, je n’ai pas été jusqu’à poursuivre ma lecture (un jour peut-être). Là ça me tente bien. Les rencontres, les échanges sont la meilleure manière pour moi de découvrir de nouveaux livres, j’aime cet accompagnement sentimental. J’étais dans une librairie hier, et j’étais perdu, vraiment perdu au milieu de tous ces livres, comme je suis perdu dans les rayons disques. Les autres, c’est une belle invention.
Je viens de lire un texte de Thierry Illouz (qui a publié deux merveilleux livres chez Fayard, vient d’en terminer un qui sort en janvier je crois, et un texte de théâtre chez Buchet-Chastel), un texte qu’il a écrit pour une revue de psychanalyse ou de psychiatrie je ne sais plus : « L’invocation de la loi, une autre forme de soumission à la norme ».
A un moment, Thierry (qui est aussi avocat pénaliste) parle d’une enseignante qui à propos de la délinquance des mineurs, disait qu’il fallait « leur dire non, les rappeler à la loi ». Un peu plus loin, Thierry écrit : « On peut s’interroger sur cette passion de l’opposition, du refus, de la limite ou de cette manière triomphante de saisir le fléau de la règle, d’affirmer comme sans appel l’intérêt définitif de la limite négative, de l’interdit comme remède imparable à l’infraction. Je crois encore que nous faisons fausse route, que nous sommes ici dans l’erreur la plus grossière, pour avoir côtoyé ces mineurs je pense et cela n’engage sans doute que moi et pour reprendre la façon de parler de cette enseignante à contre-pied qu’il « faudrait leur dire oui », que l’infraction naît du refus opposé de manière permanente par tous les niveaux de l’expérience sociale. Serait-ce aberrant de dire ici que l’on répète à des jeunes depuis la naissance qu’ils n’ont pas droit. Pas d’accès à la propriété dont la société fait aujourd’hui un mode quasi ontologique de reconnaissance. Pas d’accès au soutien. Pas d’accès aux voies culturelles. Pas d’accès aux loisirs. Dire non à quoi alors ? Quel résultat structurant peut-on dés lors espérer de ces interdits, de ces impossibles là, quelles limites invoque-t-on face à ceux qui n’évoluent précisément que dans un monde de limites et de contraintes ? Je suis bien évidemment conscient du risque aporétique de ce questionnement si l’on ne veut appeler au désordre et à la révolte mais au moins ne faut-il pas des voix pour en finir avec cette prétention malvenue à l’exercice de la loi à cette dérive moralisatrice de l’intention psychologisante enclenchée, imbrique voire combinée autour du modèle coercitif de la loi ? Comment analyser autrement qu’en termes religieux de pouvoir cet élan qui fonde autour de la soumission à la loi une sorte d’ordre universel au mépris de toutes les évidences de l’écrasement psychique lié au jugement, au verdict, à la désignation au sens large et que toute condamnation induit naturellement. La loi a son champ de portée, ses fins et son rayon d’action ils sont suffisamment étendus pour que l’on s’inquiète tout de même de dégager pour l’individu des zones de respiration, d’autonomie, des zones d’affirmation de soi, c’est peu et peut-être de manière hâtive et maladroite le chantier que je propose ».

C’est un texte passionnant et important.

Je possède un ordinateur (joli mot au fait, bravo l’inventeur) depuis je ne sais pas, depuis toujours. Je travaille mes textes, mes romans dessus depuis plus d’une dizaine d’années. Cela ne m’était jamais arrivé : j’ai perdu un texte. Comment ? Mystère. J’ai écrit une ekphrasis à propos d’un tableau de Marc Molk. C’était au mois d’avril. Je pensais qu’il fallait rendre le texte à la fin de ce mois, en fait j’ai jusqu’au mois d’août. Hier je comptais relire le texte, le corriger, le lisser. J’ouvre le fichier. Et il n’y a rien. J’ai sans doute (je ne vois que ça, à moins que des lutins…) fait une erreur de manipulation. Aucune des différentes copie ne contient le texte. Il me reste des notes, vagues et peu nombreuses. J’ai eu un gros moment d’angoisse. Ce n’est pas très grave, mais j’ai passé une semaine à écrire cette satanée ekphrasis, et j’en étais plutôt fier. Il me faut tout recommencer. C’est juste ça (respirer, penser à un exercice de yoga). Juste se remettre au travail. Et puis, à n’en pas douter, comme tout travail est une aventure, des choses différentes arriveront. La perte occasionne des dégâts mais aussi des choses inattendues qui peuvent être belles et fortes.

Nouveau Woody Allen aujourd’hui (et puis, ça vient un le jour approprié, mon médecin vient de me rassurer à propos de ma maladie imaginaire numéro 456), avec Larry David (co-créateur de Seinfeld, et créateur de Curb your enthusiasm -hier soir j’ai vécu une scène qui je crois à déjà fait l’objet d’un épisode de Seinfeld ou de CYE : la division d’une addition à la fin d’un dîner dans un petit restaurant brésilien, la question du vin, et là j’ai joué le rôle de Larry David, cela a provoqué un petit scandale légèrement ridicule). Il paraît qu’il est génial. Chouette.

Pour le dessin A. me conseille (avec des tas de détails sur les effets produits par chacun) Rotring, Pentel et Papermate ( je vais prendre celui-là). J’ai acheté une pastèque.

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