Jeudi dernier, j’ai reçu quelques amis-collègues à l’atelier. Quand on ne fréquente pas les fêtes et les soirées, il faut organiser soi-même les rencontres et je dois être le plus mauvais organisateur de quoi que ce soit. Mais cela s’est fait. C’était très agréable de se retrouver. C’était doux. Mes deux livres pour enfants sont arrivés. J’ai fait le service de presse avec Héléna Villovitch (dont l’original et charmant A la fraise sort ces temps-ci). Je suis tout ému quand je reçois mes livres. C’est une des raisons de pratiquer un art : la naissance physique de quelque chose. On me demande souvent comment je fais pour écrire des livres pour les enfants. Sous-entendu : alors que je ne suis pas un enfant. Comme si l’enfance et l’âge adulte étaient deux nationalités différentes. On ne me demande jamais comment je fais pour écrire des livres pour les adultes. Comme si on était forcément en adéquation avec son groupe d’âge. Les adultes ne sont pas moins des étrangers que les enfants. Je pense même qu’ils me sont encore plus étrangers, car nous nous ressemblons. Je ne crois pas trop aux livres pour enfants qui s’adressent aux enfants comme à des enfants, comme je ne crois pas trop aux livres pour adultes qui s’adressent aux adultes comme à des adultes. S’il y a des différences entre mes livres pour adultes et pour enfants, cela ne tient pas aux thèmes, à mon engagement, à l’intimité impliquée. C’est plus une question de format. Mes livres pour enfants sont plus courts, le héros est un enfant, la fantaisie est plus apparente, les motifs sont attachés à l’enfance. J’ai eu l’idée de Conversation avec un gâteau au chocolat, pas parce que cela me paraissait être un livre qui pourrait plaire aux enfants. Mais parce que l’idée me plaisait, elle résonnait en moi, elle m’inspirait. Même chose pour Je suis un tremblement de terre. On m’a fait remarquer que j’employais des mots un peu compliqués pour les enfants. C’est vrai, je ne fais pas d’efforts pour simplifier mon vocabulaire. Toutefois cela n’empêche pas la compréhension générale. Je n’ai pas théorisé ce parti-pris. Cela me semble normal de m’adresser à eux normalement. Si les enfants ne comprennent pas un mot, quelques mots, ce n’est pas bien grave, ce sera une rencontre avec de l’inconnu, ils en comprendront le sens intuitivement, ils se familiariseront. Et puis il y a des dictionnaires. Deux choses que je déteste dans les livres pour enfants : la profusion de points d’exclamation et l’absence de style, cette écriture minimaliste bêtifiante et condescendante. Je me suis réveillé ce matin. Le vent soufflait dans les ruelles derrière mon immeuble et faisait houhouhouuuu. Un peu effrayant. J’ai fini d’écrire Traité sur les miroirs pour faire apparaître les dragons vendredi. Geneviève Brisac, mon éditrice à l’Ecole des Loisirs, m’a répondu, et tout va bien. Il y a toujours cette peur d’écrire des choses trop bizarres qui n’ont de sens que pour moi. Et puis c’est mon premier Medium (la collection pour les plus de douze ans à l’Ecole des Loisirs), j’étais un peu inquiet. Je sais que certains adultes ne lisent pas de livres pour enfants (les idiots), alors qu’il y a des merveilles. Je pourrais en citer cent. Mais commençons par : Mon Coeur Bouleversé de Christophe Honoré et L’invention de la chaise de Catherine Valckx (deux auteurs que je ne connais pas personnellement).
Lundi soir, je suis allé voir His Girl Friday de Hawks (1940, je pensais que c’était plus ancien) à l’Action Christine avec une amie. C’est un de mes Hawks préférés. C’est une comédie paraît-il. Et certes le film est très drôle, mais on y parle de la peine de mort, de la presse, d’Hitler, de la crise, de la peine de mort, une femme se suicide. Il y a peu de films aussi complets. Quand la gravité apparaît, il est aisé de ne pas la remarquer, elle est tissée dans la légèreté de la comédie. En sortant, mon amie s’est dirigée vers le nord et moi vers le sud. Je ne sais pas pourquoi j’avais envie de m’acheter une cravate en tweed. Je suis donc passé chez Hollington. Il y avait plusieurs modèles. J’ai choisi du tweed rouge sombre avec quelques lignes bleues. Cela fait très Cambridge Five. Il y a quelques jours, j’ai entendu parler de cette exposition de cadavres écorchés et découpés (conservés par « imprégnation polymérique »), Our Body. Cela a lieu à Paris ces temps-ci. Le Musée de l’Homme a refusé de l’accueillir. Le docteur-inventeur est Allemand et ses collaborateurs Français (tiens, c’est étonnant, je ne suis pas surpris). Le passé ne passe pas. Ce commerce de dépouilles humaines provoque une polémique, alors que cela devrait créer un scandale gigantesque. Une pétition circule. Cela me fait penser aux Expositions Coloniales (et à bien d’autres choses). Ce n’est pas anodin. Cela dit des choses sur notre monde, son passé, et l’avenir qui se prépare. Ce matin j’avais envie d’un Beauté Académique 1 de la Maison des Trois Thés, mais drame, je n’en ai plus. J’en achèterai dimanche (je vais essayer le Beauté Académique 2 et le Si Ji Chun 2 je pense, entre autres).
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