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La guerre c’est faire semblant qu’on n’est pas touché

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Nous avons arrêté Monstrograph pour retrouver du temps pour nous et pour créer. Je pensais que le plus difficile était derrière nous, mais non. J’ai écrit un roman cet automne/hiver, un roman pas directement politique, un vrai roman, sur l’amour, la mort, la joie, l’invention. Je pensais qu’il plairait. Résultat : refusé partout. Disons par une vingtaine de maisons d’édition. Oh il a été aimé par deux éditeurs de deux grandes maisons, mais la direction/comité de lecture a refusé. J’ai un très bel email d’un chouette éditeur. Je le garde. Je ne comprends pas pourquoi ce refus, ces refus, ou plutôt si je comprends pourquoi, c’est multifactoriel, mais à quoi bon en parler ? Mon précédent roman, un roman ado, a lui aussi été refusé partout. Mon dernier livre publié c’est Au-delà, et il a commencé par un refus aussi. Il s’est vendu à 30 000 exemplaires. C’est épuisant, tout ça, cette solitude, ces murs. Ici, c’est assez vertigineux d’avoir deux refus coup sur coup. Impression de ne plus être le bienvenu. De ne plus exister dans ce métier. Quand dans le même temps, les pires sont toujours là et soutenus. Il vaut mieux ne pas y penser car ce qui tue c’est l’aigreur légitime et la rumination. Alors on s’accroche. Ça rappelle combien tout est fragile et dur. Ça rappelle la vie de tellement d’artistes et d’auteurices. C’est la guerre et il ne faut surtout pas le dire. Essuyer les larmes. Se relever. Sourire. Se savoir seul. Et continuer à avancer. S’imposer au réel comme on a toujours fait. Pas pour moi seulement, il n’y a pas que moi, il y a mon fils aussi. Il y a notre vie. Je me bats pour ça, et donc laisser tomber l’ego. Avancer. Ce qu’il y a de plus précieux c’est mon désir. C’est un petit oiseau douveteux mais qui crache des flammes. Heureusement, ça marche bien pour Coline, c’est elle qui porte davantage les choses financièrement. Et parfois de petits rayons de soleil d’allié.es, des coups de main, du travail, une commande, un atelier. Et toujours des messages de lectrices et de lecteurs, et ça me sauve. De ces échecs et rejets, j’ai tiré des choses aussi, j’ai rencontré le sport, je revois une psy, je me transforme, car à chaque crise majeure il s’agit de changer de corps et d’esprit, de se transformer magistralement majestueusement, et s’aimer davantage, gagner en confiance. Parfois on n’a pas d’autre choix que de s’effondrer ou de se transformer, et cette métamorphose est bienvenue finalement, des décombres on traverse le ciel. On s’invente un ciel. J’ai bien avancé mon prochain roman, j’ai des notes pour d’autres. Je cours plusieurs fois par semaine, je soulève des poids, je mange bien, je viens de passer deux examens qui m’inquiétaient et ça va. La vie est là, dans mes yeux, et elle ouvre le chemin dans la pénombre comme un incendie déterminé.