Beaucoup de choses ces derniers mois. Le succès de Au-delà de la pénétration, l’édition (avec Coline) et la sortie de Moi les hommes je les déteste, de Pauline Harmange. Et donc le scandale, menaces de procès, nous éditeurices dépassées par les ventes, les droits vendus au Seuil et à mille éditeurs étrangers, la presse internationale, des insultes reçues. Et purée l’avalanche de boulot administratif et financier pour gérer ce succès, sachant que Coline et moi sommes bénévoles, ça nous a bien plombé (mais aucun regrets), on a moins écrit pour nous, surtout ça a été fatigue, dépression, burn out. Monstrograph, c’est une maison au départ pour des livres dont personne ne veut, d’abord nos propres livres dont personne ne veut (c’était le cas de Au-delà, et de Eloge des fins heureuses, de Coline, chef d’oeuvre qui ressort en janvier 2023 aux éditions Daronnes). Parce que en fait ces livres dont personne ne veut, plein de gens veulent les lisent et les désirent en fait. Ceux qui ne les veulent pas ce sont plein de gens en poste qui ont intérêt à ce que rien ne change (et ça concerne pas mal de soi-disant alliés). Mais le public est là. Plein de gens attendent ces livres. Ils sont nécessaires. Là on est crevés, on a juste envie d’arrêter (on aurait aimé qu’une grosse maison d’édition nous propose de reprendre Monstrograph, on n’aurait plus à gérer le comptable et financier, le stock, les envois -car oui on envoie tout nous-même- on ne s’occuperait que de l’éditorial et on serait un peu payées pour ça. Mais jamais aucune maison ne nous laissera totale liberté pour faire ce qu’on veut, ne rêvons pas, on est trop incontrôlables. Ce qui n’empêche pas qu’on bossera peut être avec des maisons en tant qu’éditrices freelance parfois jsp.). On en a marre on veut juste bosser pour nous et écrire. C’est le piège que le monde nous tend : nous pourrions devenir éditeurices pro peut être. Mais alors adios nos créations. Donc non, on ne sera jamais éditeurices pro, mais toujours des expérimentateurs. Mais quand même on prépare le sortie d’un livre fabuleux pour Monstro (un recueil de textes de Zig Blaquer sur le validisme). Ça vaut le coup, c’est tellement important de faire exister des livres qui vont contribuer à mettre le bordel et à changer les représentations. Mais après ça, on fera pause sans doute, un temps. On va arrêter un bon moment. On va arrêter.
J’ai écrit un texte pour la revue La Déferlante, une nouvelle revue féministe géniale. J’avais peur que ce soit bizarre pour moi de participer à cette revue parce que je ne suis pas une femme. J’ai proposé que ce soit une femme plutôt, j’ai parlé de mon malaise (dès que je suis invité quelque part pour parler de quelque chose lié à la lutte contre le patriarcat, je propose de me désister). Mais les fondatrices ont dit que c’était ok que je sois dans la revue, donc voilà, et merci à elles. J’ai écrit ce texte : Pourquoi je ne suis pas féministe, un texte à destination des hommes qui vont lire la revue. Je n’ai rien à apprendre aux meufs. J’y raconte qu’un mec ça sera toujours décevant (j’ai été et je serai aussi décevant hein je ne suis pas supérieur à qui que ce soit). Et je dis combien c’est important de se taire et bien sûr c’est paradoxal : je parle pour dire il faut se taire (mais pas se taire concernant la critique de la domination masculine et de l’hétéronormativité : se taire quand des femmes parlent). J’ai écrit ce texte pour être clair, pour moi, faire le point. J’ai essayé de citer des féministes qui m’ont inspirées et qui comptent dans ma réflexion. Mon deuxième texte pour la Déferlante s’intitule Pourquoi je n’aime pas les femmes. J’espère qu’il plaira. Mon sujet, là où je suis dans le combat c’est la lutte contre l’oppression, contre les oppressions. Ne surtout pas être vu et considéré comme un spécialiste ici, car ce sont des femmes qui ont tout pensé et pensent tout. Je ne fais que passer ici, dans cette revue, ça tient au hasard de ce livre (« Au-delà de la pénétration ») qui devait rester confidentiel et qui a été un succès. Là où est ma place c’est dans mes fictions et mes poésies et quand des militantes, des féministes me demandent d’intervenir et je le fais sous leur contrôle (c’est le cas de mes textes à la Déferlante, lus et édités par la rédaction). Mais je ne sais pas en fait, tout ça est tellement compliqué. Je suis un peu perdu et perdu à plein de niveaux. En tout cas, je lis, j’écris, je dessine, et c’est ma manière de donner la main et de participer à chavirer le monde.
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