Lundi aprem j’étais à un groupe de parole autour de la parentalité. J’aime le principe des groupes de parole, on est toutes et tous assis en cercle, il y a du thé et du café, on ne se connaît pas, on écoute et on parle. C’est une des rares occasions où on peut discuter avec des personnes qu’on ne connaît pas, de milieux sociaux différents.
Ces derniers temps, Cyrus a du mal à nous laisser partir de sa chambre le soir, il dort plutôt bien, mais le moment du coucher est compliqué, il a peur des cauchemars, du noir, de la solitude. Je voulais savoir comment font d’autres parents (nous en ce moment, on reste dans le couloir), si j’avais des trucs à apprendre.
Une psychologue animait le groupe, nous étions 4 parents. Trois mamans et moi. Et très vite j’ai compris que la question de l’endormissement de mon fils était futile. Les trois mamans avaient toutes un enfant autiste, autiste profond, des enfants qui ne parlent pas, des choses lourdes. Je me dis « merde, qu’est-ce que je fais là ? je ne devrais pas être là ». Quand cela a été à mon tour de parler, j’ai raconté, je ne me sentais pas à ma place, mais j’ai raconté, j’ai raconté aussi que c’était un peu la lutte pour que Cyrus s’habille le matin. Les trois mamans m’ont écouté, sérieusement, et elles m’ont donné des conseils, elles ont parlé de ces problèmes qu’elles connaissent aussi avec leurs autres enfants, on a échangé des solutions, des pistes, et c’était tendre, chaleureux et ça donnait de l’énergie. Je leur ai posé des questions sur leur vie de mère d’un enfant handicapé, et pour avoir vécu ça avec mon père je savais que c’était dur, mais bon dieu la manière dont l’État français et les collectivités s’occupent des enfants autistes et de leurs parents est scandaleuse. Il y a de bons IME, mais une maman a été obligée de déménager (quittant Limoges pour Angers) pour en avoir un à la hauteur, car certains sont des horreurs. Elles m’ont parlé du statut de parent aidant, payé une misère, du manque d’aides pour la garde des enfants et le ménage, et du futur angoissant pour leurs enfants, les dizaines de dossiers à remplir pour la MDPH, la folie administrative, et la terrible question : que deviendront ces enfants quand elles seront mortes ? quand plus personne ne sera là pour les défendre ? Elles doutaient que l’Etat s’en occuperait bien et elles ont toutes les raisons de le croire. Je n’étais pas à ma place durant cette heure et demie, mais j’étais à ma place aussi, on a parlé, j’ai appris des choses, pour mon fils et le sommeil, sur les enfants handicapés, sur ces femmes (car ce sont les femmes qui s’occupent des malades, pas les hommes, qui travaillent, ou qui sont partis), héroïnes est le mot qui me vient, et je veux dire aussi combien elles étaient drôles et vivantes et légères en même tant que combattives.
Il devrait y avoir des groupes de paroles partout et pour tout.
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