Tout est beau dans la brume. Et il y en avait pas mal ce matin. Café avec Sarah. Puis quelques courses. Envie d’une galette au beurre salé. Je me dirige vers un marchand, Sarah m’arrête et me dit qu’elle l’a entendu dire des choses xénophobes. Évidemment il était alors hors de question de lui acheter des galettes. J’aurais tellement voulu ne pas savoir que ce type était un nazi, je voulais ma galette. J’ai demandé à Sarah de ne plus rien me dire sur les opinions politiques des commerçants sinon je risquais de m’interdire d’autres endroits. Finalement nous avons trouvé un autre vendeur de galettes, qui ne semblait pas nazi (mais nous ne l’avons pas questionné, et nous ne le ferons pas). Voir le soup nazi (qui lui n’est pas vraiment un nazi).
Après-midi à l’atelier. Sarah était là donc, et Clément qui nous construit un meuble en bois, un bar avec des tas de rangements, qui fera une séparation entre la plus grande pièce et le coin cuisine. Les boissons du jour : café, Winter Kraüter Tee et Wu Yi.
Frances Yates : « (…) le mage de la Renaissance , incarnation de cette attitude nouvelle de l’homme par rapport au cosmos (réseau de forces magiques dans lequel l’homme peut opérer), qui fut à mon sens le préalable nécessaire à l’essor de la science ». (in Science et tradition hermétique, éditions Allia).
Enfin j’ai reçu le moyen-métrage de Benjamin : La Barque. Je ne l’ai pas encore vu, je n’ai plus de lecteur dvd à la maison, et quand je suis à l’atelier j’écris (mais lors d’une pose ça doit être négociable avec mon surmoi). Heureusement une projection est prévue bientôt à Paris.
Il est 19h30 et je suis encore à l’atelier. L’endroit est hanté, bien entendu. Il y a un combat de dessinateurs à moustaches ce soir, mais Quentin, blessé, n’y participe pas. Bon, aller dans un bar plein de monde, de bruit, d’épanchements alcoolisés même pour voir un chouette spectacle, hm non mon coefficient de sociabilité est décidément très bas. Je me demande comment j’ai réussi à me faire des amis. Cela a pris du temps et je n’ai fait aucun effort. Nous nous sommes juste rencontrés. J’imagine que ce sont mes années de solitude minutieusement ciselées qui m’ont permis au final d’avoir des amis. La solitude comme préalable à l’amitié. Je crois que ceux qui commencent par avoir des amis, je veux dire quand ils sont enfants, adolescents, étudiants, qui sont sociables etc, finissent par être seuls (ou pire : en couple avec leur équivalent fromageblancisé) et composés à 99% d’ennui et de rancœur. Une jeunesse de merde est souvent le prélude à une vie adulte pas trop mal (hypothèse hautement contestable, mais hey on est samedi soir). Je plains ceux qui ont été heureux quand ils étaient jeunes. Ils vont morfler comme jamais. Ils n’ont pas de moelle épinière. Nous, nous avons déjà tout subi. Tout ce qui peut nous arriver ne pourra jamais être pire. La perte ne nous tuera pas, car nous avons déjà tant perdu. Le bonheur n’est pas la norme pour nous, c’est un accident, une bizarrerie, un papillon rare, on a peine à y croire, on cherche les fils invisibles, on s’attend à ce que quelqu’une surgisse avec une caméra et dise « surprise, surprise ». Nous sommes étonnés par ce bonheur et un peu sceptique quant à sa réalité. Nous sommes persuadés qu’il ne va durer qu’un instant, et bien on en profite, cet instant est fragile, alors on le vit, on le respire, on en prend soin, on le remercie d’être là. Qu’il soit fugitif ce n’est pas un reproche qu’on peut lui faire, nous n’avons aucun droit sur lui. Le bénéfice d’un instant est comme une onde de choc, il dépasse le temps qui lui était donné et contamine tout autour de lui. Comme on n’a pas essayé de saisir le bonheur à la gorge, de l’emprisonner, comme on ne s’est pas cru son propriétaire, mais son hôte, alors il est en confiance, et il reste.