Parfois il y a de bonnes nouvelles : je récupère les droits de De la pluie (qui vient de sortir en poche). Car les droits se perdent ou se cèdent. Une maison d’édition en reste propriétaire toute la vie de l’auteur et soixante-dix ans après sa mort. Ce n’est pas partout comme ça. Dans bien des pays les droits ne sont cédés que pour dix ans. On appelle ça l’exception française. Autre petit plaisir : un éditeur conserve les droits d’un livre même s’il ne paye pas les droits d’auteurs à l’écrivain. Je sais ça paraît bizarre. Un écrivain récupérera ses droits si le livre n’est plus disponible en librairie (alors envoyer lettre recommandé etc ça prend un an, délai légal). Mais avec le print on demand (et les ebooks), tout ça va changer, ça ne sera plus possible, l’auteur va perdre un droit majeur. Il y a des livres prisonniers d’éditeurs qui n’en prennent pas soin, et cette situation va empirer. Là aussi il est possible de changer les choses.
Un éditeur disait dernièrement : « Ce sont les éditeurs qui prennent tous les risques ». Quel cynisme. L’auteur est maltraité, oublié, relégué dans une position subalterne, comme un simple employé (la relation auteur éditeur est un rapport de classes sociales). Un symptôme en est la prédominance de l’image des maisons d’édition sur celle des auteurs. On est un auteur Gallimard, Minuit etc. La maison compte plus que le nom de l’écrivain. Ce sont des aras. Nous avons en France une littérature de maisons d’édition (pas d’éditeurs, car il y en a peu), pas d’écrivains. C’est une littérature institutionnelle qui singe les gloires passées et flatte les esprits de corps. Mon éditrice, Alix Penent, vient de quitter les éditions de l’Olivier pour les éditions Flammarion. Je vois autour de moi, parmi les libraires et certains auteurs la difficulté à envisager la possibilité de quitter une maison chic (l’Olivier, très bon catalogue, très bonne équipe, un plaisir à y être) pour une maison à l’image plus brouillée (pour être poli). Un ami me disait qu’il ne fallait surtout pas que les auteurs de l’Olivier qui travaillaient avec Alix aillent chez Flammarion, car cette maison d’édition n’avait pas l’image de l’Olivier (ni le catalogue, mais who cares?). Je trouve cette remarque hallucinante. Les auteurs s’ils publiaient chez Flammarion devriendraient-ils moins bons ? Non, évidemment. Ils auraient la même éditrice. Je vois aussi que pour certains auteurs il importe plus d’être publié par une certaine maison d’édition à la prestigieuse réputation que de continuer à travailler avec l’éditrice en qui l’on a confiance. Il y a quelque chose de profondément déprimant dans ces réactions. Le flacon compte, on en est encore là. La France est le pays où un livre ne sera pas jugé de la même façon s’il est publié chez Minuit ou chez Albin Michel (Albin Michel s’en sort très bien, je ne m’inquiète pas). On en vient à acheter un livre des éditions de Minuit, un livre Gallimard, un livre POL. Il y a le chic et le manant, les bons élèves et les mauvais. L’auteur devrait revenir au centre de la scène. Même s’il décide de s’abriter d’ombres, c’est sa place. Il y a une vassalité dans les rapports auteurs éditeurs qu’il serait temps de renverser. Les auteurs sont en cause aussi, car ils ne rêvent que de reconnaissance et de respectabilité, ils se conduisent comme des enfants, cherchent les bonnes notes, les points, les articles et les prix. Ils veulent être complimentés et cajolés, flattés. Tant pis pour eux. Ces blessures à notre liberté se payent. Elles sont un choix.
Je ne sais pas encore ce que je vais faire de ce livre sur la pluie. En faire une édition numérique je pense. Et si un éditeur est intéressé, une nouvelle édition papier. On verra.
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