L’arrogance de ceux qui décrient le livre numérique m’énerve tout autant que l’arrogance de ceux qui déclarent le livre papier mort et enterré. Époque bizarre. De fait je m’intéresse au numérique, c’est une occasion de liberté, ça met un joyeux bordel, et de nouvelles maisons d’éditions naissent pour de nouveaux auteurs. Mais c’est aussi plus de pollution, de l’électricité et des machines qui se cassent, que l’on remplace. C’est aussi un danger pour les libraires, passeurs des livres, qu’il faut défendre coûte que coûte, car leur rôle n’est pas accessoire. C’est peut-être aussi un danger pour les éditeurs, et on ne saurait se passer des éditeurs qui font encore un véritable travail d’édition (on en retrouvera sur internet je pense). Et les bibliothécaires ? Qui parlent des bibliothécaires ? C’est dans les bibliothèques que je me suis formé. Quelle va être leur place à l’ère du numérique ? Je ne sais pas, je fais le pari que ça sera pour nous tous l’occasion de réinventions. On verra ce que tout ça va donner. J’écoute de la musique sous forme de mp3 depuis dix quinze ans. Je suis passé par Deezer et Grooveshark, je suis abonné à Spotify. Mais depuis que nous sommes installés, je n’écoute plus que des vinyles. Les cd sont obsolètes pour moi, mais pas ces beaux disques noirs. Et si tout existait ? Sans supériorité, sans le streaming c’est mieux que le vinyles ou le contraire ? Avec des livres numériques, des livres papiers. Ce qu’on veut, ce qui nous convient, suivant le moment. Espérons : les beaux objets, solides, à qui l’on donne le loisir de vieillir, continueront à plaire et à nous accompagner.
Après deux mois, nous avons enfin acheté des bibliothèques (une dizaine, petites, moyennes et grandes). Elles occupent la même pièce. Je retombe sur des livres. Celui-là par exemple : Fragments autobiographiques, de Frances Yates (oui, Yates du L’art de la mémoire). On lit sur la quatrième de couverture : « C’est ainsi que je continuai à échapper à toute éducation régulière, presque par accident. Ce fut une chance merveilleuse. ». Et page 70 : « Cette extériorité au système m’a laissé ma liberté, mais elle a aussi eu l’inconvénient, pendant de nombreuses années, de me rendre peu confiante en moi-même et mal assurée de ma situation ». (pas d’argent veut-elle dire)
Revu pour la cinquième fois l’émission d’Arrêt sur Images avec pour invité Frédéric Lordon à propos de son livre sur Marx et Spinoza. Bonheur 🙂