cigarette from Martin Page on Vimeo.
Avec Jakuta, dans la cour de l’école d’un village, Wallers-en-Fagne, près de la frontière belge, on s’est pas mal perdu avant d’y arriver, heureusement le gps était là. Je ne fume pas, mais de temps en temps je crapotte, plaisir de tenir une cigarette, biberon toxique, radiateur portable, étoile qui brille quand on la respire. C’est une chance de parcourir les routes et d’aller dans des endroits auxquelles on ne s’attendait pas. Il n’y a pas grand monde, et ce n’est pas grave. Ce ne sont pas des salons, pas des endroits chics, mais voilà des grand-mères, des gens modestes, quand la simplicité est belle, des gens qui viennent par hasard, pour voir, d’autres car ils aiment lire, pas forcément les livres que je lis, mais encore une fois on s’en fout, c’est la chance des rencontres inespérés, avec des êtres différents, on est loin de Paris, géographiquement, psychologiquement, éthiquement, on discute de notre travail pendant une heure et demie, même s’il y a encore cette satanée table qui fait une idiote séparation. En six jours, nous avons fait une quinzaine de rencontres, alors forcément les questions sont parfois, souvent, les mêmes, mais la voix n’est pas la même, la tonalité, l’intention, et puis nos réponses évoluent aussi, elles s’enrichissent, elles prennent d’autres voies, on comprend ce que l’on pense en s’écoutant répondre à des questions que l’on se serait pas posé, on parle aux autres, mais tout autant à soi-même, on se révèle des choses grâce à ces quelques personnes assises en face, car la rencontre, la présence de l’autre a des effets, on pense mieux, plus justement, des idées viennent, l’inspiration est là. Je suis solitaire et j’ai peur des autres, mais j’aime parler dans ces occasions, sans doute parce que je suis protégé, je suis écrivain alors on me considère avec bienveillance, ce job est un passeport pour moi l’inadapté, le moyen qui m’a permis de rencontrer d’autres gens, de parler, car sans ça cela m’est presque impossible. C’était chouette cette cour d’école, alors qu’on n’est plus un élève, qu’on en a réchappé, le lieu des anciennes batailles. Nous sommes au moins sauvés de ça.
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