A chaque fois je n’en reviens pas de la dureté de ce monde, et de la trop grande résistance des gens, de leur trop grande capacité à s’adapter, à accepter. Il ne faut pas s’adapter aux conditions terribles que l’on nous fait. A Bamako, comme à Paris. J’en ai assez de ce froid qui seconde trop bien la précarité, les petits appartements mal chauffés, la solitude, l’angoisse. Le froid c’est une belle chose. Cela ne devrait être que positif, cette morsure, qui réveille, et pousse vers la chaleur, ces petites dents, cette main qui donne à la peau des sensations inédites. Je n’aime pas ce froid kidnappé par la dureté. On s’adapte trop bien, il est temps de se rappeler que nous sommes le pays de la révolution, de relire les textes de nos pères fondateurs. Je ne suis pas fier d’être français, ça m’est égal, mais j’ai de plus en plus conscience que j’appartiens à cette histoire, que cette généalogie d’un peuple qui se bat est la mienne. On ne parle pas assez des révolutionnaires, de ceux qui se sont battus. Il y a une sorte de pression silencieuse qui voudrait nous faire honte de citer Robespierre, Baboeuf, Saint-Just… On voudrait les faire passer pour des extrémistes, et nous avec. Alors que l’extrémisme est partout présent, dans les journaux, sous les mots de journalistes, de politiques, les chiens de garde du système, un extrémisme bien habillé, qui a des manières, qui parle bien, oui un extrémisme élégant et de bonne compagnie, un extrémisme qui a fait des études, qui sait manier l’humour et la rhétorique, qui n’élève pas la voix, un extrémisme « gendre idéal », rasé, manucuré, propre sur lui, avec une cravate, qui vide de leur sens les mots de liberté et de justice, pour asseoir la domination d’une minorité privilégiée sur le reste du monde.
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