Je n’avais pas envie de travailler aujourd’hui, laisser le samedi être un samedi comme dans l’ancien temps, quand j’étais enfant ; mais l’ancien temps n’était pas une époque agréable, alors finalement j’ai repris mon stylo et mon clavier, j’ai éliminé la vacance de ce jour, je l’ai chassé. Poursuite du texte sur Shaw. Il y a de la poursuite dans l’écriture, poursuite d’une forme, d’un enjeu. Quelque chose que l’on veut saisir et qui nous échappe, dont l’ombre est là pourtant, attestant de sa réalité (mais n’avons nous pas rêvé ?). Je me rappelle les vieux films de cow boy. Je pense à l’aventure du Monde Perdu dont me parlait Toxica (vive le professeur Challenger). C’est chaotique. Il faut avancer à coups de machette, c’est éprouvant, on est perdu, mais quelque chose comme un sens de l’orientation, appelons ça intuition, nous guide mais sans que l’on soit certain de ne pas se tromper et d’aller n’importe où. On est épuisé, on en a assez, à quoi bon ; puis des beautés surgissent et on se rappelle pourquoi on a entrepris ce voyage. Pour dire : parfois j’en ai marre, marre, marre, marre de devoir effectuer une tonne de travail pour une phrase, une idée. Et j’ai mal au dos et froid et je veux écrire les romans que j’écrirai dans dix ans maintenant et j’ai faim de choses à faire, d’histoires à raconter et ça ne va jamais assez vite. Mais dès que je trouve, cette phrase, c’est le plus beau jour de ma vie. Par deux fois aujourd’hui a été le plus beau jour de ma vie. Des surprises qui ne sont pas des surprises, des choses neuves mais néanmoins familières. Beau métier. Il faudra quand même que je vois mon ostéopathe bientôt.
De la fenêtre de l’atelier je regarde les passants sur le Pont Saint Michel, deux femmes portent chacune deux énormes sacs du chocolatier Patrick Roger (de ce vert si caractéristique). Les vitres ont été nettoyé. Il y a quelques temps j’avais l’habitude d’y écrire des notes à l’aide de gros stylos à gouache.
Ce cher George Bernard Shaw est bien peu sympathique. Mais il s’agit pour moi de le défendre. De comprendre la logique de sa violence. Je suis entouré de papiers, de livres, de pages internet. De ces bibliothèques renversées sur ma table de travail, je dois composer un portrait de 4000 signes. Je pense qu’il sera terminé demain.
Bizarrement aujourd’hui j’ai réécouté cette chanson de Bruce Springsteen : For you. Je ne sais pas pourquoi sinon qu’elle m’émeut. Ecouté Revolver et le dernier album de Phoenix. Quand je travaille c’est plutôt du jazz, ou parfois Belle & Sebastian (ou Where the children play de Cat Stevens sur le mode repeat toute la journée).
Deux gâteaux japonais achetés chez Toraya (dont un enrobé d’une feuille de cerisier -comestible m’a dit la dame). Miam.
J’ai pensé à Buster Keaton dernièrement, parce que A. m’a dit qu’elle avait aimé La Maison Démontable (One Week). Et j’en ai voulu au cinéma parlant. Saleté de cinéma parlant ai-je pensé un moment. Tu avais vraiment besoin de parler ? Si le cinéma avait du rester muet pour sauver Keaton alors bon dieu ça aurait valu la peine. Et puis j’ai pensé à Mankiewicz, mon cinéaste préféré et j’ai compris que non ce n’était pas une solution. Trouvons une autre solution. Il faudrait que les artistes dépressifs, alcooliques, tristes et incompris sachent que des gens les aimeront plus tard et prendront soin de leur œuvre. J’aurais aimé que Keaton le sache, sans aucun doute, pas de manière arrogante, mais tendrement, avec confiance, que des gens seraient là qui comprendraient ce qu’il a fait et l’aimerait à la folie. Voilà une croyance possible : le petit dieu des amis futurs. J’aimerais tellement envoyer des messages dans le passé.
Vu le film de Zlazov Zizek, The pervert’s Guide to Cinema. Qui donne l’occasion de voir Zizek dans les décors de films d’Hitchcock, Lynch etc. Et puis il parle de Chaplin. Il y a ce film de Chaplin avec Buster Keaton : Limelight. Le coeur s’agrandit, le cerveau frissonne. J’oublie parfois combien Chaplin compte pour moi. Je m’en veux. Ne pas oublier, ne pas oublier.
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