Arrivé hier soir, je retrouve l’atelier ce matin. Le livre d’histoires étranges pour adultes avec Quentin Faucompré avance bien ; je reprends les premiers textes écrits, je les relis, et les corrige à nouveau. Ils trouvent leur forme, cette forme dont j’ai eu l’intuition mais qu’un premier jet ne rend pas bien -c’est dans le travail, les versions successives que j’arrive à incarner ce que j’avais en tête. Il y a une sorte d’évolution accélérée d’une espèce d’étrange animal dans ce processus. Quand le zoologue est lui même créateur. Pris un café avec une amie, et cela a donné assez de chaleur pour au moins la journée. Nous avons discuté de la position des écrivains dont un livre sort, que faire de ce que disent (ou ne disent pas) les gens, nos amis, les journalistes, quelle valeur donner à cela, comment s’en sortir, comment porter un jugement sur ce jugement que l’on porte sur notre travail qui est plus que notre travail mais une part intime de nous-mêmes. Nous avons toujours ce désir d’être compris et aimé ; mais il faut être sage, c’est un désir enfantin, il faut l’abandonner (et plus difficile il faudrait l’abandonner à l’égard des amis). Il faudrait lire les livre vingt ans après leur parution. Le présent est trop rempli de bruits, de taches lumineuses, de jalousies, de superficialité, de rapidité. Comme le vin ou le pu er, il faudrait attendre vingt ans ; on verrait mieux, on apprécierait mieux les livres je crois, on serait plus mûr pour eux aussi (les lecteurs sont parfois trop jeunes, trop verts, ils viendront à maturité bien plus tard-ils l’ignorent). Je sais bien j’exagère (c’est un plaisir alors pourquoi s’en priver), après tout il y a une excitation, un plaisir à découvrir tout de suite des romans, ces fleurs d’un époque. Il y a un plaisir à y trouver ce dont nous avons l’intuition, sans l’avoir pensé, des choses qui nous lient, des moments que nous partageons. Voilà nos romans qui sortent bientôt, et on travaille à ne pas y penser, à être indépendant de leur réception (positive ou négative), le meilleur moyen étant de travailler, d’écrire un autre livre.