Mon service de presse s’est étalé sur trois jours. J’ai commencé mardi en milieu d’après-midi, poursuivi mercredi matin et après-midi et terminé jeudi matin. Il manquait des livres, certains seront donc envoyés sans un mot de ma main. Étrange tradition que le service de presse. Il s’agit de dédicacer et d’écrire un mot aux journalistes. Je reste sobre ; même quand je connais le journaliste je n’écris rien de personnel. Je fais le pari que les bons journalistes n’en ont rien à faire d’avoir un mot écrit par l’auteur. Peut être pas, je ne sais pas, l’usage étant si bien installé. Les dédicaces du service de presse est une tradition française je crois (comme le massacre des ortolans), le reste du monde s’en passe bien. Il faut être sobre, c’est un moyen de ne pas y accorder trop d’importance, de considérer cette coutume comme un simple exercice de style. Pourtant ces quelques mots sont symboliques. Symboliques de quoi ? Hum. Pas de choses très positives je crois. Dans cette république des lettres hantée par l’école (beaucoup d’écrivains sont profs, ce n’est pas grave, ce qui l’est en revanche c’est que beaucoup d’écrivains se conduisent comme des élèves, attendant bons points et félicitations), signer ainsi, copier des lignes semblables sur du papier fait penser à des mauvais élèves punis copiant des lignes. D’ailleurs les écrivains prennent cet exercice comme une sorte de punition. Encore un signe du dolorisme qui règne dans les lettres françaises. Je me demande ce qu’en pensent les journalistes. Si ces quelques mots sont importants pour eux. Et si oui, pourquoi. Je n’ai peut être pas saisi exactement les subtilités de ce rituel.
Le service de presse est aussi un moment de discussions. Avec les attachées de presse (Virginie, Camille, Marion), avec qui passe aux alentours de la salle où se déroule le rituel (salut Alix, salut Laurence, salut Olivier, salut…). Et c’est agréable. Il n’y a pas d’autres moments où l’on reste ainsi des heures et des heures durant dans une maison d’édition. Si on a de la chance on se retrouve à faire son service de presse avec un autre écrivain. J’ai ainsi discuté avec Valérie Zenatti (mercredi) et avec Jakuta Alikavazovic (jeudi, en mangeant des macarons). Le service de presse devient un prétexte pour passer du temps avec des gens qu’on aime. Tout n’est pas perdu. Et puis, j’en profite pour signer des livres pour mes amis auteurs.
Je me souviens de Romain Gary parlant de sa rencontre avec un journaliste. Celui-ci lui expliquant qu’il avait cessé d’écrire des articles positifs sur son travail car Gary ne l’avait pas remercié pour un article élogieux. Gary n’a pas suivi les usages de ce monde, on lui a fait payer. Hélène Bessette aussi. C’est un monde très violent.
Le milieu littéraire est un pays étranger pour tous les écrivains qui se respectent. La langue n’est pas exactement la notre, les coutumes en sont étranges, les lois ne nous semblent pas toujours justes. Nous ne sommes pas chez nous, alors suivons les usages. Tout ça n’est pas grave, notre vie est ailleurs.
Thé cette semaine avec Sandrine Bonini, une illustratrice très talentueuse (livre en projet) ; puis deux jours plus tard avec Nathalie Kuperman, une écrivaine dont j’admire le travail. Elle m’a fait découvrir un livre de Gertrude Stein : Ida. Déroutant au départ, et passionnant.
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