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une journée consommée

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Il y a quelque chose de triste à dire « la journée est passée » comme un train serait passé devant nous. C’est une manière de voir qui nous installe dans la passivité, c’est très désagréable et vexant. Non, les journées ne passent pas, je le refuse. Dire « j’ai fait passer la journée » ne convient pas non plus, on dirait que je parle d’un médicament. « J’ai consumé la journée » est un peu mieux, mais l’idée de destruction associée ne me convient pas. « J’ai consommé la journée » est parfait, au sens de consommer dans le Littré (achever, donner la dernière perfection, accomplir). Il y a quelque chose de joyeux, de bon vivant, dans cette idée de consommer une journée (on pense aussi à sa définition actuelle -une des rares consommations nobles devrait être celle de nos journées). Une manière de dire, non la journée n’est pas passée, même si je n’ai rien fait (et ce n’est jamais vrai, la paresse, le loisir, l’ennui, le désespoir, c’est quelque chose), c’est bien moi qui ai été acteur. C’est une manière d’opposer sa propre voracité (de lecture, d’écriture, de culture, d’échanges) à la voracité du temps.

Tout ça pour dire que j’ai bien dévoré cette journée, il n’en reste quasiment plus rien ; mais je viens de m’apercevoir que je ne suis pas sorti. Inscrite en moi par mon éducation la nécessité de ne pas rester enfermé, il faut sortir, un peu. Bon, d’accord, j’obtempère à mon éducation, il y a du bon sens sans doute dans cette recommandation. Promenade.