J’ai sorti mon premier roman il y a maintenant neuf ans, et même si cela a pris du temps (j’ai un très mauvais sens de l’orientation) j’ai maintenant des amis écrivains, des sortes de collègues de bureaux avec qui je me suis découvert des affinités, peut-être une même distance vis-à-vis de tout le cirque, et j’espère vis-à-vis de nous-mêmes (c’est le cas aussi de ma bonne vieille bande d’amis inadaptés magnifiques). Une difficulté est apparue : devions-nous nous parler de nos livres ? Je crois que la bienveillance est la règle des amitiés professionnelles réussies. Nous savons quelle somme de travail représente l’écriture d’un roman, ce qu’il y a d’intime engagé (choses qui ne doivent pas influencer les critiques) nous nous aimons, aussi pour ces raisons, il est impossible de concevoir un avis objectif. D’après ce que j’ai pu observer, les gens qui tiennent à vous dire des choses désagréables sous prétexte qu’ils sont vos amis cherchent plutôt à régler des comptes (ils s’en défendront) ou à exercer leur sadisme. Ce n’est pas nécessaire. Il ne faut pas s’inquiéter, les autres (ceux qui ne sont pas des amis, et qui, pour la plupart d’entre nous, représentent la quasi-totalité de l’espère humaine) seront toujours là pour ne pas prendre de gants. Il reste que j’ai peu de risque de ne pas aimer les livres de mes amis, car si nous sommes amis, c’est que nous partageons un certain nombre de choses, un goût pour une certaine littérature, un certain rapport au monde (il reste que cela arrive, mais alors j’aimerai forcément quelque chose dans le livre que je n’ai pas aimé). Si vraiment quelque chose me déplaît fortement dans le livre d’un ami, il y a des façons douces de le lui glisser. Si mes amis géraient une centrale nucléaire la question se poserait différemment bien sûr.
J’imagine qu’il y deux trois personnes (je pense à l’équipe féminine de Beach Volley du 14° arrondissement) qui lisent ce blog et je ne voudrais pas avoir l’air de dire du bien de livres parce que ce sont les livres de mes amis. Et puis, il y a certains livres que je préfère à d’autres (comme des amis dont je me sens plus proche, parfois la ligne entre « copain » et ami est fine, il faudra des années pour éprouver l’amitié, des coups durs et des joies). Le milieu littéraire est déjà trop plein d’amitiés intéressées entre journalistes (parfois écrivains) et écrivains (souvent journalistes), trop plein de gentillesses amicales et de batailles de congratulations (les compliments sont la drogue la plus dangereuse pour un artiste). Tout cela pour dire que je ne parlerai pas des livres de mes amis (et peu des miens), mais je signalerai leur sortie en librairie. Ainsi, ces jours-ci sortent, Démon de Thierry Hesse, Ce que je sais de Vera Candida de Véronique Ovaldé, Ordalie de Cécile Ladjali, Mémoires de Marc-Antoine Muret de Gérard Oberlé.
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