La chaleur dans une grande ville est une chose bien particulière. On est bien obligé de prendre le métro, le bus, d’aller travailler, de faire ses courses. Tout le monde transpire, les gens sont énervés et fatigués, on se pousse, on se frôle, on respire les odeurs de transpiration qui franchissent les barrières des déodorants dépassés. Je rejoins Fernet Branca et Balthazar C. au Mk2 quai de Loire. Il y a beaucoup de monde, c’est l’heure de la sortie du travail. Dans le métro, un vendeur de boissons fraîches, des canettes dans un seau, des policiers intimidant un jeune asiatique, lui demandant ses papiers, les passants tournent la tête, certains s’arrêtent, surveillent les policiers (mais ne peuvent rien, juste veiller au bon déroulement de cet assaut silencieux). L’eau déborde du caniveau, des vigiles avec chien devant un magasin. Et en même temps, cortèges de filles et de femmes joliment peu vêtues, une sensualité, un érotisme tous les mètres, et des hommes qui tournent la tête, eux-mêmes parfois en simple t-shirt laissant apparaître leurs bras musclés et leurs épaules. L’air est lourd. On profite du soleil, en même temps on est irrité, on fronce les sourcils et on baisse la tête en raison de son omnipotence. J’ai l’impression d’une impatience extrême (d’un danger), comme si tout d’un coup cette foule pouvait se métamorphoser en émeute, en un animal violent, comme si une révolte pouvait naître, dans les meilleurs des cas, ou, dans le pire, des coups, de la destruction, des agressions, le voile de la civilisation déchiré. J’ai pensé à Summer of Sam de Spike Lee (ou, me rappelle FB, Do the right thing du même cinéaste -qu’il faut revoir), et la folie qui a régné à New York pendant l’été caniculaire 1977. Des bébés pleurent. Des jeunes se jettent de l’eau, des clochards travaillent, les terrasses des cafés sont pleines, on discute, on rigole, on s’embrasse, on parle en téléphonant, on pense aux vacances, on essaye de louer une maison, on a déjà la tête ailleurs. Ces jours derniers il y a eu des orages, des coups de tonnerre de fin du monde. C’est une ambiance étrange. On est soi-même excité et inquiet de ces montées d’adrénaline. Et puis, il y a les angoisses causées par la nouvelle grippe, par la crise, par la vie. On est vivant, notre corps est là, plus présent que jamais, touché par le soleil, transpirant, réveillé par la vision des filles débarrassées de leurs vêtements, nous-mêmes avons laissé tomber les vestes, il y a une familiarité générale, et en même temps, la tension est palpable. Tout cela est saupoudré d’une frénésie d’achats, de soldes, du nouveau téléphone portable d’Apple (je connais deux contaminés), de réserves d’eau en bouteille. Drôle de mélange dans la marmite de Paris. Ces ingrédients mélangés me font penser à une expérience de chimie, complexe, imprudente, potentiellement dévastatrice ou au contraire bienfaitrice. Qui sait ce que cela va donner ?
Paris dans le commencement de l’été
- par Martin
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