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le corps d’un écrivain

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Hier, je suis allé voir The Wrestler le film que Darren Aronofsky a consacré à la vie d’Edgar Allan Poe. Je n’ai pas adoré. Comme je suis un fan de Poe j’aime forcément un peu tout ce qui parle de lui, alors ce n’était pas entièrement négatif. Mais j’ai largement préféré le film de Stallone sur le même sujet, Rocky Balboa. L’intrigue est la même, on se demande pourquoi Aronofsky a décidé de suivre la même route. La réponse réside dans le choix du comédien principal : Mickey Rourke. Là où Stallone se permettait d’incarner un Poe très différent de la réalité, Mickey Rourke ressemble trait pour trait à l’écrivain américain. Le spectateur a l’impression de voir s’animer le célèbre daguerréotype de 1849. C’est très troublant. The Wrestler suit les principaux épisodes de la fin de la vie de Poe, on retrouve une Amérique, de misère et d’espoir, de combats quotidiens, de supérettes. Mickey Rourke joue parfaitement les principaux traits de caractère de Poe, son goût pour la gloire, son penchant pour l’alcool (qui fera fuir la femme qui l’aimait), sa maladresse autodestructrice. Cette interprétation est la réussite du film. Rocky Balboa est plus fidèle à la biographie intime de Poe, The Wrestler est, quant à lui, un film sur la condition d’un écrivain perpétuellement en lutte. Surtout, c’est une oeuvre sur le corps des écrivains, les blessures, les coups continuels, les douleurs, la maladie, les os qui craquent, le coeur qui lâche, les dopants. Et malgré tout, la nécessité de reprendre le combat. Le corps d’un écrivain aurait pu être le titre de ce film. Je n’avais jamais vu cela au cinéma. On découvre des moments de fraternité entre des écrivains prématurément usés et abîmés, mais fiers et prêts à continuer, le sourire aux lèvres. Je n’aime pas vraiment ce film comme film (je préfère Rocky Balboa), mais je l’aime pour cette réalité révélée avec justesse et sensibilité. On parle enfin du corps des artistes, il était temps. Un artiste travaille avec son corps. Pour cette raison, ce film restera. Ce matin, un Gao Shan Cha 8 et un Beauté Académique (j’ai goûté le Beauté Académique 2 : excellent, mais deux fois plus cher que le 1). Hier, gong fu cha à la Maison des Trois Thés : un Da Hong Pao 5 (de 1995 je crois), extra. J’ai pris un café avec Thierry Illouz hier au café des Deux Palais, devant le Palais de Justice (Thierry est écrivain et avocat pénaliste). Nous avons parlé des émotions qui parfois nous terrassent et des sentiments. Nous étions étonnés par ces choses-là, à la fois tous les tremblements de terre que nous portons en nous, et en même temps, alors que le monde s’écroule, notre incroyable capacité de résistance et de joie. C’est une époque à sentiments, je suis un peu perdu, mais ce n’est pas bien grave en fait, de belles choses dernièrement, et puis je suis heureux. Déjà des échos (positifs, enthousiastes) à propos de Collection irraisonnée de préfaces à des livres fétiches. Un article dans Livres Hebdo. Le livre sort le 17 mars. Mardi soir, première et petite soirée -il s’agissait de montrer enfin le livre- avec les auteurs. Cela s’est passé au siège des éditions Intervalles, boulevard Haussmann. Il y a eu des macarons, des infusions de tamarin (un petit animal amazonien qui mange des fourmis je crois), des débats sur les effets hallucinogènes du maté (je suis sceptique), du Champagne (mélangé par certains avec du Jus de Pamplemousse), un gâteau au chocolat dépecé, des sacs indien en tissu orange d’une boutique d’import-export du passage Brady, des enveloppes avec des chèques, l’ensevelissement d’une photocopieuse sous les manteaux, des recensions de discussion avec l’ascenseur polyglotte, des menaces de création de page facebook, l’espionnage (à la manière Fenêtre sur Cour) de l’appartement de Jérôme Kerviel actuellement occupé par son frère et sa femme (nous avons assisté à l’épluchage de carottes et à la sortie de la vaisselle propre du lave-vaisselle), des exercices sportifs dans les escaliers, une boutique d’armes à feu et une boutique de tutus, la création d’un groupe de musique (Electric Sheep). Grosso modo ça ressemblait à un film de Wes Anderson. Surtout il y a eu des rencontres, le monde (en tout cas, la portion où nous vivons) a gagné en chaleur, un peu, sans que les glaces fondent. Alors c’est plutôt chouette. Des gens qui ne se connaissaient pas se sont découverts, et bon ça fait du bien. C’était simple et chaleureux. J’ai créé une page facebook (et après, sur les conseils de Mark Molk, une page événement sur ce même facebook) pour annoncer la sortie du livre. Je suis contre se servir de son carnet d’adresses (plein de gens que je ne connais pas, après tout c’est facebook) pour prévenir de la sortie d’un livre. Ce genre d’autopublicité me pose problème (ce en quoi j’ai sans doute tort, mais c’est ainsi). Je m’y suis résolu parce que ce livre n’est pas le mien. C’est le livre de 44 auteurs et j’agis en tant que co-directeur d’ouvrage. Alors ça va. Mais bon je n’aime pas trop ça quand même. Hier, avec Jakuta nous avons vécu des aventures extraordinaires (armes, têtes de mort, poupées vaudou, lézards séchés, paquets de Craven, Golems volants). Ce soir, j’ai repris un livre de Jean-Pierre Vernant. Ce matin, Bach (depuis quelques jours, j’écoutais Woody Guthrie) et Schubert. Virginie Terrasse qui travaille à l’atelier Myop (une super photographe qui a mille histoires à raconter) m’a parlé de l’Albanie il y a quelques temps. Je ne sais pas pourquoi j’y pense. Tous les matins, dans la ville où elle a fait ce reportage, sur le chemin du lycée, les garçons offrent une rose à une fille. C’est mignon (je suis dans un état d’esprit romantique). Dimanche (pour l’Olivier) et lundi (pour l’Ecole des Loisirs), je vais au salon du livre et je suis déjà effrayé par le monde, les rencontres et tout ça. Il faudrait que j’y aille avec une armure.

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