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Gwen van den Eijnde, 2011(texte écrit pour le livre consacré aux costumes créés par Gwen van den Eijnde, publié à Varsovie en 2011)

L’évolution c’est un rêve que l’on fait. Mais on ne dort pas. Le rêve est décidé et implacable. Les espèces animales et végétales ont les prend en soi désormais, on les retire de la terre, du ciel et des forêts, on les arrache à la nature, on les récolte, et on les fait nôtres. La grande digestion de nos passions les atomise, et les incorpore à notre humanité. Les élytres, pistils, feuilles, griffes, carapaces, sont notre avenir. L’insecte et la fleur qui sont en nous, qui dérivaient comme des naufragés perdus sur l’océan, peuvent enfin s’exprimer. Nous rampons, nous grattons le sol et nos plaies, nous nous couvrons de nos baves amoureuses, nous frémissons sous les assauts du vent. Animaux et plantes sont les professeurs mutiques, les dispensateurs d’un savoir immémorial qui survi depuis des millénaires. Ecoutons l’enseignement du minuscule, les discrets participants à la composition de nos paysages nous apprennent comment conduire notre vie.
Nous ne serons plus désarmés : nos armures et nos défenses sont sortis de notre corps songeur. Nous continuons à grandir, mais nous remplaçons la biologie, nous prenons le relai, nous inventons nos pollens et nos ailes majestueuses. L’anatomie devient une création de l’imagination. Notre corps est le sol où nous cultivons nos désirs et nos ambitions, c’est une terre fertile, tout y pousse si on le plante bien, si nous labourons, arrosons, et tenons les prédateurs éloignés avec nos rires répulsifs. Nous sommes le terreau et la matrice de notre avenir animal et végétal. La nature est le catalogue de formes qui permettent à nos pensées de s’incarner et d’exprimer notre intimité et nos rêves.