Comment je suis devenu stupide
2003 – Éditions le dilettante
L’intelligence ne fait pas le bonheur… Antoine, vingt-cinq ans, cultivé, fin et bardé de diplômes aussi exotiques qu’inutiles en fait l’amère constatation. Loin de le rendre heureux, son sens aigu de l’observation et sa fâcheuse tendance à l’analyse ont fait son malheur. Une bonne dose de stupidité l’aiderait sans aucun doute à davantage « participer à la vie ». Notre doux-dingue décide donc de se noyer dans les vapeurs de l’alcool. Non sans s’être au préalable copieusement documenté et s’être choisi un professeur expérimenté. Devenir alcoolique d’accord, mais intelligemment et méthodiquement. Comme on ne peut pas être génial en tout, Antoine échoue lamentablement. Il faut se rendre à l’évidence, l’alcoolisme n’est pas son rayon, pas plus que le suicide. La solution, car il y en a une, s’appelle Heurozac : deux petites pilules par jour et l’apprenti stupide peut ingurgiter des Big Mac, s’enrichir en boursicotant, s’offrir un loft branché et une grosse voiture sans culpabiliser. Bref, la vraie vie, enfin ! À trop tenter le diable, Antoine le rêveur ne sombrera-t-il pas doucement mais sûrement dans la bêtise et la médiocrité ? Emboîtant avec humour le pas de son Candide moderne, Martin Page nous offre avec Comment je suis devenu stupide un livre frais et léger où lobotomie et société de consommation font bon ménage. Un premier roman qui, malgré son propos, évite de se prendre au sérieux. Et c’est tant mieux ! –Laurence Demurger
Tout est affaire de méthode. Même la course au néant. « Surtout la course au néant », rétorque le narrateur de Martin Page. Birman de souche, sorbonnard de maintien, faible mais obstiné, il a décidé de s’offrir en proie au rien, de s’annihiler avec rigueur. Et dans son cas, néant = sottise. il lui faudra donc « couvrir son cerveau du suaire de la stupidité ». Mais d’où plonger pour ce grand bain de vide, d’où s’autopropulser au cœur de l’absence ? Première procédure envisagée : l’éthylisme. Il y a en effet dans l’alcool des potentialités à l’affaissement cérébral, des richesses en matière de dissolution mentale qu’il serait vain de nier et bête de négliger. L’ingurgitation méthodique de breuvages fatals est donc envisagée, ce sous l’œil d’un spécialiste. Las ! la mousse d’une simple bière n’a pas effleuré la lèvre de notre candidat à l’auto-dissolution que le voilà comateusement jeté à terre. Reste l’acte ultime, qui réclame une volonté de boxeur et une discipline de samouraï : la crétinisation. La tâche s’annonce complexe, l’effort énorme. Il lui faut, pour plier ses bagages mentaux, abolir sa bibliothèque, effacer sa mémoire, dissoudre son q. i. Il s’aide pour la chose d’une substance idoine censée le bêtifier sans faille. La chose prend tournure. Mais c’est sans compter avec de redoutables anges gardiens qui s’en viennent glisser sous son œil vide un choix de la correspondance de Flaubert. Patatras ! Un éclair d’intérêt se remet à brasiller dans cette prunelle promise à l’atonie. Son retour au monde des mammifères cérébrés se fera grâce à une espastroulante séance d’exorcisme. Est con qui peut. N’est pas crétin qui veut (vieux proverbe birman).